"Sans démarche de développement durable, les pme s'exposeront à des risques financiers"

C’est avec ce postulat de base que les auteurs de l’étude ont débuté leur travaux, accompagné du conseil scientifique du Professeur Emmanuel Fragnière.

En collaboration avec l’option de Management durable de la Haute École de Gestion Genève, ils ont sondé, en Suisse romande, des employés et cadres de PME ainsi que des fonctionnaires d’administrations publiques, soit au total 23 entretiens qualitatifs semi-directifs relatifs à 15 secteurs économiques différents.

A la vue des interviews collectées, le constat est mitigé. Alors que l’enjeu de la durabilité est clairement identifié, les mesures mises en place semblent se limiter uniquement aux projets durables financièrement rentables et les moyens engagés pour atteindre les objectifs paraissent dérisoires, selon les auteurs de l’étude d’Oprisko (l’Observatoire des Risques Opérationnels), association sans but lucratif, basée à Genève. Ses membres exercent une fonction en relation avec la gestion des risques et sont actifs dans différents secteurs économiques.

Interview de:

  • Pascal Seeger, Membre Oprisko
  • Franco de Sena, Membre du Comité Oprisko
  • Cyrille Reynard, Membre fondateur et du Comité d’Oprisko

 

Une stratégie qui intègre des dimensions sociales, environnementales et de bonne gouvernance contribue-t-elle à la maîtrise des risques d’entreprise?

Il ressort de nos interviews que les entreprises n’ont pas une définition précise et commune du développement durable. Cependant, la quasi-totalité des personnes interrogées ont fait part d’initiatives voulant contribuer au respect de l’environnement et beaucoup ont fait part d’initiative en faveur de l’équité sociale. En revanche, très rarement sur les aspects de gouvernance. Une stratégie durable contribue à augmenter les volumes d’affaires, augmenter les prix, rationaliser les processus et potentiellement diminuer les salaires.

C’est pourquoi, le développement durable contribue à améliorer les performances financières des entreprises et diminuer les risques financiers et de réputation aussi.

 

A contrario, pensez-vous que les entreprises qui n’adopteront pas cette démarche d’intégration de développement durable s’exposeront à des risques accrus?

Oui, nous le pensons. Raison pour laquelle une gestion des risques innovante est à implémenter. Les consommateurs et les collaborateurs des entreprises sont d’ailleurs plus attentifs et davantage sensibilisés à ces problématiques; et en légiférant, les gouvernements se sont engagés pour une transition vers des économies post-carbone et responsables.

En résumé, la prise en compte du développement durable correspond à un équilibrage entre l’efficacité économique (création de richesse et conditions de vie matérielle), la responsabilité environnementale (dimension écologique, écosystème) et l’équité sociale (santé, éducation). Le business oui, mais plus à n’importe quel prix.

 

Dans la définition du développement durable, faites-vous une différence entre les critères ESG, la RSE, les ODD selon l’ONU ou la finalité est-elle la même?

Que l’on parle de critères ESG, de développement durable, de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), de Charte mondiale de l’ONU, d’agenda 2030, de stratégie 2050 (neutralité carbone), des objectifs de développement durable onusiens de 2015 (ODD), la finalité est, en effet, identique. Il s’agit d’entamer la rapide transition qui mènera les populations à conserver leurs belles conditions de vie sur notre planète. Il s’agit concrètement de repenser le modèle économique, en encadrant le développement économique avec des piliers environnementaux, sociaux et éthiques, afin que la croissance puisse être viable ou que l’éventuelle contraction ne soit pas trop brutale.

Dans ce contexte, le postulat de notre étude était qu’une bonne stratégie d’entreprise doit intégrer des paramètres économiques, sociaux et respectueux de l’environnement. Nous pensons qu’une stratégie qui intègre des dimensions sociales, environnementales et de bonne gouvernance contribue à la maîtrise des risques d’entreprise. Toute la question est de savoir comment intégrer des principes de développement durable dans la gestion des risques opérationnels de l’entreprise. Notre étude de terrain visait à identifier les bonnes pratiques en la matière et si, pour des entreprises qui appliquent véritablement cette stratégie, cela permet effectivement de gérer plus efficacement ces risques.

A la vue des interviews collectées, le constat est mitigé. Alors que l’enjeu de la durabilité est clairement identifié, les mesures mises en place semblent très limitées, et les moyens engagés pour atteindre les objectifs paraissent dérisoires.

 

Quelles sont les exceptions dans votre échantillon?

Hormis le CRO (Chief Risk Officer) de l’Etat de Genève, rares sont les organisations qui connaissent la définition du développement durable telle qu’elle ressort du Rapport Brundtland (1987): «Le développement durable doit répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.»

Fait positif: les sondés ont conscience que la nature est vulnérable et les ressources de la planète limitées. Pour preuve, les inquiétudes et les mesures sont principalement centrées sur les aspects environnementaux, parfois sociétaux, rarement de gouvernance (ESG). La durabilité reste un concept intuitif et rassembleur, mais difficile à cerner et à fortiori rarement normé. Rarement des chartes sont rédigées et les sondés évoquent plutôt des principes, des critères (code de conduite), voire un esprit ou un système de valeurs.

 

Quelles sont les principales mesures mises en place par les entreprises sondées?

Elles peuvent se regrouper en deux catégories: les mesures commerciales à l’adresse des clients (centrées sur l’offre des produits et services), comme la notation de la durabilité des clients et des fournisseurs par exemple; et les mesures internes à l’entreprise, comme le tri des déchets, les économies d’énergie, ou l’incitation à la mobilité douce par exemple.

 

Pourriez-vous citer des exemples de bénéfices et aussi d’inconvénients de la durabilité pour les organisations?

Du point de vue économique, nous avons relevé que des organisations améliorent dans une certaine mesure leur profitabilité en augmentant leurs volumes d’affaires ou leurs prix, en rationalisant leurs processus ou en adaptant les salaires.

Au niveau social, des organisations gèrent le turnover en limitant le risque de démission des employés tout en attirant plus facilement de nouveaux candidats grâce aux bienfaits des valeurs de durabilité. Cependant, l’horizon des investissements est plus long, car les opérations sont peu rentables à court terme.

 

Comment l’effet Covid-19 est-il pris en compte dans votre étude et quelle est votre conclusion?

Notre étude pourra faire l’objet d’une actualisation «post Covid-19». Cette crise économique sans précédent dans l’histoire de l’humanité, faisant suite aux conséquences des mesures adoptées contre une longue crise sanitaire, apportera inévitablement son lot de coupes budgétaires, aussi bien au sein des États que dans les entreprises. A la lumière de ce cygne noir, il s’agira de forcer l’analyse sur la priorité que représente réellement cette quête d’un monde plus durable.

Au terme de cette étude réalisée durant le mois de décembre 2020, nous sommes convaincus de l’importance d’un développement économique et social durable. L’éclairage qu’apporte notre étude devra être poursuivi et approfondi dans cette direction. Non seulement la prise en compte notamment des critères ESG sera à l’avenir incontournable dans toute activité humaine, mais le domaine de la gestion des risques d’entreprise devra inévitablement intégrer des critères adaptés, afin d’anticiper et répondre judicieusement aux éventuelles conséquences néfastes pour nos économies. Nous parlons bien de résilience. C’est pourquoi notre étude mérite d’être menée sur un échantillon plus large d’entreprises publiques comme privées, avec un panel encore plus diversifié de secteurs économiques.

Définition(s) de la durabilité dans les organisations:

Pour rappel, le dictionnaire Larousse définit la durabilité comme «la qualité d’un bien qui dure». En 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies dans une publication intitulée «Our Common Future», utilise pour la première fois la notion de «sustainable development» que l’on traduit fréquemment en français par «développement durable» et lui donne comme définition: «Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs». Deux concepts sont inhérents à cette notion: le concept de «besoins actuels» et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et le concept de limite des ressources dans le temps. Le développement durable repose ainsi sur trois piliers: le pilier économique, l’environnemental et le social.

En 1987, la Commission des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (World Commission on Environment and Development, WCED) publiait le Rapport Brundtland, du nom de sa présidente, Gro Harlem Brundtland, et intitulé «Our Common Future». Ce document est devenu la conception directrice du développement durable tel qu’on l’entend aujourd’hui encore.

Depuis 1987, le concept de développement durable a évolué, il s’est élargi et a précisé son périmètre pour aboutir en 2015 – et ce n’est probablement pas fini – aux 17 objectifs 2030 de développement durable de l’ONU.

Plus de détails pour accéder à la publication:

https://www.linkedin.com/posts/reynard_est-ce-quune-strat%C3%A9gie-qui-int%C3%A8gre-des-dimensions-activity-6745440537794502656-Ycf0

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